Philologue, administrateur puis Conseiller du Roi au Parlement de Toulouse (cour de justice), cet érudit restera dans la mémoire des hommes comme un des plus grands mathématiciens du 17è siècle. Il fut un des artisans fondateurs de l'Académie des sciences qui vit officiellement le jour un an après sa mort. Fermat s'intéressa aussi aux sciences de la nature : principe de Fermat (optique).
En même temps que Roberval et (voire avant) Descartes, Fermat pose les principes de la géométrie analytique (1636) en étudiant des courbes au moyen de leur équation et se querelle avec ce dernier sur les problèmes de tangence (on parlait à l'époque de touchante plutôt que de tangente) aux courbes, point de départ de la notion de nombre dérivé et du calcul différentiel, et intégral, car il exposa aussi une méthode de calcul d'aires (vers 1638-40).
Avec Pascal, il met en place une nouvelle branche des mathématiques : le calcul des probabilités (vers 1654) et les premières ébauches de l'analyse combinatoire.
Reprenant les travaux de Diophante d'Alexandrie, traduits et complétés par Bachet de Méziriac, il redora le blason de l'arithmétique en créant la théorie des nombres. De nombreux résultats sont attachés à son nom.
Les oeuvres de Fermat furent éditées par son fils Samuel de Fermat : Varia opera mathematica (Toulouse, 1679). Cependant, Fermat ne publia pas toutes ses découvertes, encore moins ses démonstrations. On estime ainsi perdus un certain nombre de ses travaux. Les éditions Gauthier-Villars & fils rééditèrent les oeuvres de ce grand mathématicien sous l'égide de MM. Paul Tannery et Charles Henry en 1891. On trouvera une version électronique (4 volumes & compléments) publiée par l'université du Michigan à l'adresse http://quod.lib.umich.edu/cgi/b/bib/bibperm?q1=abr8792. Certains écrits sont en latin, langue véhiculaire des sciences de l'époque, mais une partie est traduite (en particulier les correspondances).
Paul Tannery : savant français (1843-1904), polytechnicien, historien des sciences. Charles Henry : savant et érudit français (1859-1926), bibliothécaire et maître de conférence à la Sorbonne.
Le « grand » théorème de Fermat (1621) :
La fameuse conjecture, dite grand théorème (ou dernier théorème) de Fermat énonce qu'un cube ne peut se décomposer en deux cubes, ni un carré de carré en deux carrés de carré et plus généralement au-delà, aucune puissance ne peut se décomposer en deux puissances de même exposant
Autrement dit, en écriture mathématique actuelle : si n est supérieur à 2, il n'existe pas d'entiers x, y et z non nuls pour lesquels : xn + yn = zn
Fermat, en marge d'un texte de Diophante dont il étudia et compléta Les Arithmétiques, affirma l'avoir prouvée de façonmerveilleusemais ne pas avoir assez de place pour y insérer sa démonstration (ci-dessus en latin). La conjecture a été prouvée récemment (juin 1993) par le mathématicien anglais Andrew Wiles après 350 années d'efforts et de recherche des mathématiciens du monde entier (avec, à la clé, une forte récompense promise au 19è siècle par l'Académie des Sciences).
Fermat la prouva en tout cas pour n = 3 et n = 4, comme le firent Euler et Gauss (indépendamment l'un de l'autre), par sa méthode de descente infinie se résumant à exprimer, de nos jours, que toute partie (non vide) de N admet un plus petit élément (ce qui n'est pas toujours le cas dans R).
Méthode de descente infinie selon Fermat :
Noter qu'il suffit de prouver le théorème dans le cas où n est premier et x, y et z premiers entre eux. En effet, si x, y et z ont un diviseur commun d, la division par dn ramène l'équation au cas x, y et z premiers entre eux. Si n est non premier, on se ramène à ce cas puisque n admet alors au moins un diviseur premier p : n = kp avec k entier. L'équation xn + yn = zn devient (xk)p + (yk)p = (zk)p, équation de la forme : Xp + Yp = Zp.
Sophie Germain prouve le théorème (1825) pour les entiers premiers n tels que 2n + 1 le soient aussi.
Legendre (1823) et Dirichlet (juste âgé de 20 ans) s'attaquèrent victorieusement au cas n = 5.
Kummer (1847) utilisant sa théorie des idéaux et faisant appels aux nombres de Bernoulli, expose une preuve remise en cause par Cauchy, mais s'avérant exacte pour tous les nombres premiers inférieurs à 100 sauf n = 37, 59 et 67. on remarque que ces cas ne correspondent pas à la classe de nombres premiers de Sophie Germain car si n = 37 ou 67, 2n + 1 est divisible par 5 et si n = 59, 2n + 1 = 119 est divisible par 7.
La même année 1847, Lamé crut avoir trouvé une preuve générale en travaillant dans l'ensemble des nombres complexes mais Liouville trouva une erreur.
Faltings (1983) prouve que l'équation xn + yn = zn ne peut avoir qu'un nombre fini de solutions.
La construction de la théorie des nombres algébriques est née de cette difficile mais enrichissante recherche d'une preuve de ce célèbre théorème.
Revue Quadrature, n°22, Grand théorème de Fermat, 1641 - 1994, Ed. du choix - 1995 (entièrement consacré au célèbre théorème de Fermat-Wiles).
Le « petit » , mais très important, théorème de Fermat :
On appelle ainsi le théorème exprimé par Fermat, selon lequel si p est un entier premier, alors, pour tout entier a, ap aura même reste que a dans la division euclidienne par p.
Si p divise a, le théorème est trivial ! Lorsque p ne divise pas, il revient au même d'énoncer :
si p est premier et si p ne divise pas a, alors ap-1 - 1 est divisible par p
Au moyen des congruences, on peut écrire :
si p est premier, alors pour tout entier a : ap a [p] (le signe de congruence est ici anachronique : Gauss)
Exemple 1 : 127 = 35831808 a même reste que 12 dans la division par 7, à savoir 5. On peut le vérifier sans effectuer la division : modulo 7, on a 12 5 , donc 122 52 4 et 124 16 2. Finalement 127 = 124 x 122 x 12 2 x 4 x 5 5 car 2 x 4 = 8 1.
Si p n'est pas premier, on n'est assuré de rien ! on s'en convaincra en étudiant 1210 dans la division par 7. Et on remarquera que :
La réciproque de ce théorème est fausse, par exemple : 2341 2 [341] et pourtant 341 = 11 x 31 n'est pas premier
et souvent notés Fp. Ils interviennent dans les problèmes de constructibilité des polygones réguliers.
Le problème fut de savoir si de tels nombres sont premiers, comme c'est le cas pour p élément de {0,1,2,3,4} fournissant 3, 5, 17, 257, 65537. Fermat conjectura leur primarité, mais Euler, alerté par Goldbach qui émettait des doutes à ce sujet, prouva (1732) que F5 est divisible par 641, le quotient étant 6700417. Lucas prouva que 24096 + 1 (p = 12) est divisible par 114689.
La divisibilité des Fp s'étudient de nos jours au moyen de puissants ordinateurs et d'algorithmes très complexes vu l'énormité de ces nombres.
Tout entier est carré ou somme de deux, trois ou quatre carrés. C'est une conjecture de Bachet que Fermat dit avoir prouvé par sa méthode de descente infinie. Quoi qu'il en soit, elle fut prouvée par Lagrange (1770).
Tout entier p premier de la forme 4n + 1 est une somme de deux carrés. La primarité de p est indispensable pour qu'il en soit ainsi : noter que si p n'est pas premier, p s'écrira (comme tout nombre impair autre que 1) comme différence de deux carrés (non nuls). En effet, p est alors de la forme uv avec u et v impairs et u > v (si p est un carré, choisir u = p, v = 1). Posons uv = a2 - b2 = (a + b)(a - b) : on se ramène au système élémentaire a + b = u, a - b = v, donc à 2a = u + v et 2b = u - v. Les entiers u et v étant impairs, le couple (a,b) cherché existe dans tous les cas.
Il faut distinguer le problème de Fermat du point de Fermatdéfini ci-dessous.
Étant donné un triangle ABC, quel est le point M du plan (ABC) minimisant la somme des distances MA + MB +MC ?
Posons : f(M) = MA + MB + MC. Si M un point extérieur au contour du triangle ABC, on montre par projection orthogonale ou bien par symétrie orthogonale (suivant le cas de figure) qu'un point J du contour ou un point intérieur au triangle est "meilleur" que M, c'est à dire : f(K) < f(M).
Si aucun angle du triangle n'égale ou ne surpasse 120°, alors la solution J du problème est au point de Fermat (voir ci-dessous) sinon elle est en le sommet du plus grand angle.
Compléments :
Point de Fermat :
Étant donné un triangle ABC (figure ci-dessus), on trace les triangles équilatéraux construits extérieurement sur les côtés : les droites en pointillés (AA'), (BB') et (CC') sont concourantes en un point appelé point de Fermat.
Dans le cas précédent (du problème de Fermat), lorsque aucun angle ne dépasse 120°, la solution J et le point de Fermat coïncident. C'est aussi le point de Torricelli.
A propos de ce célèbre sujet :
Étude de Yvonne et René Sortais, dans leur ouvrage La géométrie du triangle - Ch. 28, Ed. Hermann - Paris, 1987 - Rééd. 1997
Également appelée spirale parabolique, son équation polaire est : r2 = at (a réel non nul)
Étude de la spirale de Fermat :
Autre théorème de Fermat :
Dans un traité sur les problèmes d'extremums (1637), il énonce un résultat fondamental, appelé parfois théorème de Fermat et s'écrivant de nos jours :
Si une fonction numérique f dérivable sur ]a,b[ admet un extremum en un point c de cet intervalle, alors f
Principe de Fermat :
Dans ses travaux d'optique sur la réfraction, Fermat énonce son principe d'économie naturelle ou principe de minimum (1657) selon lequel le chemin emprunté par la lumière est celui qui minimise son temps de parcours en admettant l'idée, exprimée auparavant par Alhazen, que la lumière conserve une vitesse constante dans un milieu homogène, mais moindre dans un milieu dense, contrairement à la pensée de Descartes, avec lequel il s'opposa encore, qui pensait bizarrement le contraire... Mais ce principe de temps minimal s'avère inexact dans le cas de la réflexion dans un miroir concave : le chemin emprunté est maximal et, par conséquent, le temps de parcours également. En fait, il s'agit d'un problème variationnel (relevant du calcul des variations).
Un peu d'optique, cas des miroirs convexes et concaves :
Notons que dès 1676, l'astronome danois Olaüs Römer (Roemer), étudiant un satellite de Jupiter, baptisé Lo, évaluait la vitesse de la lumière à environ 215 000 km/s dans le vide, ou plutôt dans l'éther, du grec aithêr = air pur, mystérieux fluide dont on croyait l'espace rempli pour transporter la lumière depuis Aristote en passant par Pascal qui exprimait que "la nature a horreur du vide". La théorie de la relativité mise en place par Albert Einstein sonna le glas de l'espace éthéré (1905).
Le français Hippolyte Louis Fizeau l'apprécia à 313 000 km/s par un ingénieux système de miroirs en 1849. La valeur actuelle étant établie à 299 792, 458 km/s. Pour en savoir plus sur les calculs de Römer et de Fizeau, une page du club astronomique du val de Loir : http://clubastronomie.free.fr/lois/romer.htm.
A gauche extrait d'une lettre à Marin Cureau de la Chambre (1662), conseiller du roi, où Fermat développe son principe de moindre temps (Oeuvres de Fermat, Tome deuxième, pages 457 et suivantes, mises en ligne par l'université du Michigan) : http://quod.lib.umich.edu/cgi/b/bib/bibperm?q1=abr8792 et plus précisément :
Prix de l'université Paul Sabatier de Toulouse récompensant « les travaux de recherche de mathématiciens dans des domaines où les contributions de Fermat ont été déterminantes », comme, par exemple, Wiles en 1995 et Werner en 2001 :
Énoncés de principes variationnels;
Fondements du calcul des probabilités et de la géométrie analytique;
Théorie des nombres.
Le site du prix Fermat : Le site du prix "Fermat Junior" :